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C’est l’histoire de deux familles de migrants, dans les années 1930 et 1940 ; l’histoire de Sylvestre, le paysan des Hautes-Alpes, dont les terres ne suffiront pas à nourrir les descendants ; l’histoire de Giuseppe, saisonnier italien fuyant le fascisme avec sa femme et son fils ; l’histoire de la France aux pires moments de son passé, auxquels se trouvent mêlés Livio, Auguste, Toinette et Victor ; l’histoire d’un petit village provençal qui finit par se déchirer entre fervents défenseurs de la collaboration et sympathisants du maquis Ventoux.
C’est aussi l’histoire de Nathan, le vieux juif de Carpentras, qui égrène ses souvenirs – et celle, enfin, du narrateur, dont l’identité demeure mystérieuse.
Telles sont les grandes lignes de ce roman, pour la mise en œuvre duquel l’auteur n’a pas hésité à quitter le confort de son terroir, et de cette Belle Époque qui l’a toujours si bien inspiré.

On sait Paul De Ré profondément attaché à sa région liégeoise et plus encore au terroir d’Ourthe-Amblève. Les vallées de son enfance sprimontoise ont servi de cadre à la Dernière Betchète et à la Pierre au cœur, il a dit avec ferveur la Belle Époque en nourrissant ses récits d’une lecture monacale de la presse quotidienne d’alors.
Le voici à présent qui fait le grand saut. Mille kilomètres plus au sud, il nous entraîne dans les Hautes Alpes. Nous sommes aux côtés d’une famille d’agriculteurs dans les années 1930 et 1940 qui tente de survivre de la production de ses terres pauvres d’altitude. Avec eux, nous formons le rêve fou de déplacer l’exploitation vers les plaines plus hospitalières de la Provence. Et nous suivons le destin des hommes et femmes de cette famille qui sera prise dans les tourments de la Seconde Guerre mondiale. Par le truchement des recherches d’une de nos contemporains qui a loué le Bastidon bleu, nous démêlerons les fils entortillés des secrets de famille, des amours clandestines, de la résistance et de la collaboration, des règlements de compte et des trahisons.
Paul De Ré nous dit la paysannerie en mutation, la difficulté de quitter sa région natale et de se faire accepter dans une autre, les familles qui partent pour la ville. S’attachant plus particulièrement au destin de Toinette, il décrit la condition féminine et les combat de celles qui refusent la loi des hommes et de la tradition. Et nous sortons de ce fort roman avec une certitude : Paul De Ré est au meilleur de sa forme. Il nous parle des hommes et femmes du sud de la France avec la même chaleur et le même amour de la belle ouvrage, pour notre plus grand bonheur.

Thierry Detienne