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« Me racontait-il la vérité ? Ou simulait-il dans tous ses aveux ? J’avais des doutes, mais des doutes fabuleux, ceux qui m’avaient réjoui, page après page, à la lecture de ses nombreux romans. »

Eduardo Caldon, auteur à succès au crépuscule de sa vie, a traversé les guerres et dictatures du XX^e siècle, fréquenté Borges et d’autres grandes figures littéraires. Un jeune admirateur, lui-même écrivain débutant, fait sa rencontre à Venise. Leur conversation les transportera dans l’Espagne de 1936, au Portugal de Salazar, puis en Argentine et au Brésil.
Deux générations, deux expériences, deux langages. Le vieil homme dit-il toujours la vérité ? Qui comprendra l’autre ? Et si cette rencontre improbable cachait un secret ?
« Vous croyez tout ce que je vous ai raconté ? Vous avez tort... parce que tout est vrai. »

Rendez-vous incertain a reçu le prix Saga Café 2022.

Pierre Fabre, jeune auteur dont le premier roman vient d’être publié, est en passe de rencontrer Eduardo Cardon, un romancier argentin mondialement connu pour qui il nourrit une admiration sans limite. Le rendez-vous est donné à Venise, où le vieil homme a ses habitudes. Entre les deux auteurs s’engage une relation hésitante. Cardon est fatigué, il écourte la première rencontre, prétextant une grande fatigue. Mais il lui fixe un autre rendez-vous. Le dialogue s’amorce, et il prend la tournure de la confidence, sans plus de retenue. Le vieil homme narre son enfance en Espagne, dans une famille catholique fidèle au régime franquiste. Envoyé combattre les Républicains, il choisit la fuite, change de camp et d’identité, fuit encore, vit au Portugal, puis au Brésil en Argentine, tirant de quoi subsister de petits métiers, sans plus de contact avec sa famille. Commis dans la rédaction d’un journal, il s’essaie à l’art de la chronique littéraire, devient un journaliste en vue qui nous permet de croiser Jorge Luis Borges et Hector Bianciotti. Ce faisant, il prend goût à l’écriture, ce qui le conduit au métier de romancier et à la réussite. Mais au crépuscule de sa vie, il mesure que son destin tout entier s’est bâti sur une fuite dans laquelle il se retrouve seul. Au fil du récit qui prend forme d’aveux, une forme de complicité se crée, tandis que des questions surgissent qui portent sur le rapport du romancier à la vérité. Et si tout ceci n’était qu’inventions ? Quand Pierre Fabre est invité en retour à parler de lui, le récit prend une tournure inattendue... Bernard Visscher nous a donné un grand premier roman aux accents multiples : servi par une écriture de belle facture, nourri par une érudition impressionnante, il brasse des décennies de notre histoire, arpente le monde et nous guide dans une Venise insolite, célébrant l’art sous toutes ses formes.

Thierry Detienne