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2 avril 2019
Iris a traversé ma vie comme une comète traverse le ciel, m’amenant à un carrefour, là où, sans elle, jamais je ne serais arrivée. Je dois, sans doute, me satisfaire de cette sensation d’avoir effleuré un objet rare. Comme lorsqu’une œuvre d’art nous transperce de sa force pour s’effacer aussitôt en déposant ses traces au plus profond de la mémoire, dans le silence étourdissant des choses insaisissables. Il en subsiste des fragments, des éclats. Il me reste d’Iris des éclats de liberté.

Deux chemins s’effleurent. Ce sont ceux d’Iris et d’Éva qui tentent de s'éloigner de l’asphyxie conjugale, de s’arracher à l’oppression du monde. Pourtant, Jacques et Stéphane ne voulaient rien d’autre que leur inventer leur bonheur.

Eva mène une vie enviable. Si la réussite se mesure au statut social, aux enfants, à la grandeur de la maison qu’on habite, elle est à coup sûr du nombre de ceux qu’on croit baigner dans le bonheur. Mais elle nous précise tout de go que tout cela n’est que façade, que la comédie à laquelle elle participe ne tient qu’à un fil, qu’elle fulmine en son for intérieur. Simplement, elle n’en laisse rien paraitre, habituée qu’elle est à sauver les apparences. Pour nous, elle passe cet univers de carton-pâte au crible avec férocité, n’épargnant rien ni personne. Jacques, son mari, est un consommateur impulsif, féru de belles voitures, de voyages, toujours à la recherche de l’achat qui lui permettra de briller. Eva est bibliothécaire et elle fait la connaissance d’Iris, que le service accueille comme bénévole. À la faveur d’un malaise de sa nouvelle collègue, elle est amenée à la reconduire à son domicile et elle découvre un univers neuf pour elle. Iris vit dans une grande simplicité, entourée de livres, baignée de musique, savourant pleinement l’instant présent. Cette altérité exerce immédiatement sur elle une fascination irréversible d’autant que cette nouvelle amie l’entoure de douceur. Eva n’a de cesse de revenir dans ce lieu, d’y puiser la chaleur dont elle manque. Mais le bonheur est chose fragile, surtout quand les hommes déboulent et menacent celles qui s’extirpent de leur domination. Quand Iris disparaît, Eva met toute son énergie à découvrir la vérité, à demander justice. Elle se plonge dans un manuscrit laissé par son amie qui lui permet de revivre un peu à ses côtés et de comprendre ce qu’elle a tu, jusqu’à son silence soudain. Voilà un roman d’une rare puissance et servi par une plume élégante qui ne vous lâche pas jusqu’à la dernière page. Jean-Luc Renard fait son entrée dans le monde littéraire avec cette première œuvre qui dénonce les emprises destructrices et célèbre la conquête de la liberté et de la plénitude, ces biens plus précieux que tout.

Thierry Detienne